À retenir :
- La formation initiale en orthophonie pose les bases du métier, mais elle ne suffit pas à développer pleinement la posture relationnelle et réflexive qu’exige le soin.
- À travers l’expérience, la confrontation aux émotions et la formation continue, les orthophonistes apprennent à habiter leur pratique avec plus de justesse, de présence et d’humanité.
- Cet article explore cette évolution : du savoir technique à la maturité clinique, au cœur de la relation de soin.
Former les futur·es orthophonistes ne se résume pas à transmettre des savoirs : c’est les préparer à rencontrer la complexité humaine du soin.
Les étudiant·es en orthophonie découvrent vite que le soin, c’est aussi une rencontre pleine d’émotions et d’incertitudes.
Et c’est souvent dans la formation continue que, devenus cliniciens, ils apprennent à en faire une force.
En résumé :
- La formation initiale pose les bases du métier.
- La formation continue permet d’en habiter toute la profondeur.
- C’est dans la durée que se construit la posture du soin.
Apprendre à rencontrer l’autre : le cœur de la formation
Apprendre à soigner, c’est apprendre à rencontrer l’autre.
Et c’est là que réside une grande difficulté de la formation : comment apprendre à accompagner la complexité humaine quand on a encore peu rencontré le réel du soin ?
La fréquentation des différents terrains de stage durant les trois dernières années de formation offre une première confrontation à la relation de soin.
Mais ces stages permettent souvent davantage de préparer cette rencontre que de la vivre réellement.
Quand la théorie rencontre l’émotion
Les étudiant·es en orthophonie sortent de formations capables d’expliquer le fonctionnement de la parole, les bases neuropsychologiques des troubles ou la dynamique d’un bilan.Mais la première fois qu’ils rencontrent un enfant mutique, un parent en larmes ou un patient en perte de mots après un AVC, quelque chose se déplace : la clinique devient vivante, émotive, parfois déroutante.
« Je savais quoi dire sur l’aphasie, mais je ne savais pas quoi dire à cet homme-là, dans sa peine, dans son silence.»
Témoignage d’une étudiante
La confrontation à la souffrance, aux émotions ou aux tensions familiales n’est pas un simple “complément” du savoir.
C’est une autre dimension du soin, celle qui met en jeu la sensibilité, la résonance personnelle et la capacité à rester présent face à ce qui déborde.
Une formation initiale sous contraintes
Malgré sa richesse, la formation initiale en orthophonie se heurte à plusieurs limites :
- Des temps de stage souvent inégaux, selon les lieux et les encadrants ;
- Une charge théorique importante, qui laisse peu de place à la mise en mots de l’expérience vécue ;
- Un manque d’espaces de réflexion clinique, où émotions, doutes et maladresses peuvent être pensés plutôt que jugés.
Former à la relation de soin, c’est aussi former à supporter l’incertitude : celle des situations familiales complexes, des contextes sociaux difficiles, des réactions imprévisibles du patient ou de l’entourage.
Et cela ne se professe pas. Cela se cultive dans la durée, dans la rencontre, et dans la reprise réflexive de ces expériences.
La complexité des situations humaines : un apprentissage à long terme
L’orthophonie ne se réduit pas à “rééduquer” un trouble.
C’est un travail d’accompagnement, au croisement du langage, de l’affectif et du social.
Toutes les pathologies viennent bouleverser des équilibres familiaux, identitaires et relationnels.
Ainsi, l’orthophoniste se trouve souvent témoin ou acteur d’émotions intenses : colère, tristesse, culpabilité, espoir.
Apprendre à rester ajusté dans ces situations, sans se protéger à outrance ni se laisser submerger, demande une maturation intérieure que le cadre de la formation initiale ne peut entièrement offrir.
Point-clé :
Le développement de la posture soignante demande du temps, du recul et des espaces de parole.
La formation continue : un espace de reprise et de croissance
C’est ici que la formation continue prend tout son sens.
Après les premières années d’exercice, lorsque les certitudes s’érodent et que les expériences s’accumulent, la nécessité d’un espace de parole et de réflexion devient essentielle.
Ce qu’elle permet concrètement
- Revenir sur les situations vécues pour en dégager du sens ;
- Échanger entre pairs sur les impasses, les émotions et les ajustements possibles ;
- Redonner du souffle à sa pratique et renforcer le sentiment de compétence.
C’est un temps de décantation, où le professionnel :
- réactualise ses savoirs,
- relie théorie et vécu,
- associe savoirs et émotions.
Elle devient, d’une certaine manière, une formation de la subjectivité clinique : celle qui apprend non pas à “faire mieux”, mais à être plus présent, plus lucide, plus disponible.
Aller plus loin avec Timélia :
Découvrez nos formations dédiées aux orthophonistes :
- « Compréhension et production du récit à l’oral et à l’écrit : de l’analyse des difficultés aux modalités d’intervention » avec Laurence LAUNAY et Didier ROCH (prochaine session en décembre à Rennes.)
- « Troubles de la communication dans les TND : exercer une orthophonie fonctionnelle au service des aidants» avec Sophie SALTARELLI (prochaine session en décembre 2025 à Lyon.)
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Former toute une vie : la continuité du soin et de l’apprentissage
Il ne s’agit pas d’opposer formation initiale et formation continue, mais de penser leur complémentarité dynamique :
| Formation initiale | Formation continue |
| Donne les bases du métier, les outils conceptuels et techniques | Permet d’habiter ces outils et de les relier à la réalité humaine du soin |
| Prépare | Affine |
| Installe la compétence | Cultive le savoir-faire clinique |
Ensemble, elles tissent ce qui fait la richesse du métier : une alliance entre savoir et humanité, entre compétence et sens.
En conclusion : se former, c’est prendre soin de soi
Former les futur·es orthophonistes, c’est leur transmettre bien plus que des méthodes : c’est leur apprendre à tenir dans la complexité du vivant, à accueillir la parole et le silence, la souffrance et la créativité.
Mais cette posture n’est pas inhérente à la compétence : elle se construit, s’éprouve et se reprend.
La formation continue n’est pas un supplément facultatif.
C’est la suite naturelle d’un apprentissage jamais terminé — celui de prendre soin de l’autre tout en prenant soin de soi. Nous développerons prochainement, dans nos communications à venir, la manière dont l’offre de formation proposée par TIMÉLIA s’attache à relever ce défi.
FAQ
Pourquoi la formation initiale ne suffit-elle pas pour maîtriser la relation de soin ?
Parce qu’elle se concentre principalement sur les savoirs théoriques et techniques, laissant peu de place à la dimension émotionnelle et réflexive du soin.
Qu’apporte la formation continue aux orthophonistes ?
Elle permet de relire ses expériences, mieux comprendre ses émotions, et renforcer la qualité de la relation thérapeutique.
Comment développer sa réflexivité clinique ?
En participant à des formations continues, à des groupes d’analyse de pratique ou à des séances de supervision entre pairs.
Quelle différence entre formation continue et supervision ? La formation continue transmet des outils et des cadres de réflexion ; la supervision explore plus profondément la posture du praticien et son vécu émotionnel.