Dans cet article, Mélanie, orthophoniste et doctorante, partage son parcours et son engagement autour des troubles en cognition mathématique. Elle revient sur l’importance de la recherche, le rôle de l’orthophoniste et propose des ressources concrètes pour enrichir la pratique clinique.
1.Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ?
Lors de ma formation initiale en orthophonie, j’ai tout de suite accroché avec l’aspect recherche. Mon mémoire m’a vraiment donné le goût de creuser les choses, de poser des questions, d’explorer. C’est ce qui m’a poussée à poursuivre avec un Master 2 en sciences cognitives, tout en exerçant en libéral. Ce master a confirmé mon intérêt pour la recherche et m’a donné envie de poursuivre sur cette voie. J’ai donc entamé un doctorat en Éducation, axé sur l’apprentissage des mathématiques, au sein du laboratoire Mathematics Teaching and Learning Lab, à l’Université Concordia (Montréal, Québec). Aujourd’hui, tout en gardant une activité clinique, je poursuis ma thèse et participe à de nombreux projets de recherche, notamment en numération et autour de la résolution de problèmes.
2. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous intéresser spécifiques aux troubles des apprentissages mathématiques ?
C’est pendant mes études que j’ai découvert à quel point le développement des compétences numériques chez l’enfant était à la fois complexe et passionnant ! J’ai rapidement réalisé que les maths ne se limitaient pas à de « simples » opérations sur papier : les notions mathématiques sont partout dans la vie quotidienne. Cette prise de conscience m’a donné envie de mieux comprendre les enjeux pour les personnes en difficulté, et surtout, de m’engager pour faire avancer la recherche dans ce domaine. En effet, les troubles en mathématiques restent encore très peu étudiés comparativement aux troubles du langage écrit par exemple.
3. Comment décririez-vous le rôle de l’orthophoniste dans la prise en charge des troubles en cognition mathématique ?
L’orthophoniste peut repérer précocement des difficultés en mathématiques, diagnostiquer un trouble spécifique des apprentissages dans ce domaine, ou encore analyser le profil mathématique et cognitif d’un individu. Mais c’est surtout dans l’accompagnement que son rôle prend tout son sens. Qu’il s’agisse de proposer des interventions ciblées, des moyens de compensation ou un soutien à la compréhension des difficultés, l’objectif reste le même : permettre à chacun de mieux interagir avec son environnement. Car oui, les nombres sont partout : dans les recettes, les horaires de bus, la gestion de l’argent ou la participation citoyenne. Ainsi, l’accompagnement fonctionnel est primordial pour renforcer l’autonomie et la qualité de vie quotidienne des personnes ayant des difficultés en mathématiques.
4. Existe-t-il des tests ou des outils d’évaluation spécifiques que vous recommandez pour mieux identifier ces troubles ?
Je recommanderai sans aucun doute la batterie Examath 8-15 (Lafay & Helloin, 2016) et la batterie Examath 5-8 (Helloin & Lafay, 2021). Ces deux outils sont complets, basés sur des recherches scientifiques à jour et ayant d’excellentes qualités psychométriques.
5. Y a-t-il un ouvrage, une étude ou une ressource que vous recommanderiez aux orthophonistes souhaitant approfondir leurs connaissances sur cette thématique ?
Récemment, Anne Lafay et Marie Villain ont publié un livre intitulé Troubles de la cognition mathématique, De la compréhension aux interventions. Ce livre me semble être un outil indispensable pour toutes celles et ceux qui souhaiteraient en apprendre davantage sur les troubles de la cognition mathématique. Et en plus il est en français ! Il regroupe un ensemble d’auteurs incontournables en cognition mathématique, qu’ils soient chercheurs et/ou cliniciens.
6. Avez-vous des conseils pratiques pour les orthophonistes qui souhaitent se former ou enrichir leur pratique dans ce domaine ?
Les e-learning et les formations proposées par Anne Lafay à Timélia sont excellentes pour enrichir ses connaissances et développer sa pratique. Je pense aussi qu’une mise à jour régulière des connaissances, notamment via la recherche d’articles scientifiques, est un bon moyen de se former continuellement et de s’assurer de l’efficacité des interventions proposées.
7. Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir formatrice ?
Je crois fort que la recherche est au service de la pratique clinique, je pense que l’aspect transmission est incontournable pour les chercheurs. En ce qui me concerne, j’aime transmettre ! Je trouve cela passionnant de pouvoir partager mes connaissances en recherche, qui viennent alors s’enrichir des expériences cliniques des orthophonistes participant aux formations.
8. Pouvez-vous nous parler de votre formation « Raisonnement analogique et intervention en cognition mathématique » ?
Cette formation est une introduction au lien entre raisonnement et cognition mathématique. Elle s’appuie sur les modèles théoriques récents, issus de la psychologie cognitive. Elle présente les liens entre raisonnement analogique et cognition mathématique et donne des axes concrets pour proposer des interventions efficientes.